mardi 15 avril 2008

LA zone sous douane de Fare Ute

BATEAUX DE PECHE COREENS
Un jour, un copain douanier tahitien m’a fait découvrir la zone hors douane du Port de Papeete. Univers étrange, une ville dans la ville avec ses barbelés, ses grilles de protection, ses chiens de garde, ses vigiles, ses buildings de containers multicolores en provenance du monde entier, formant des canyons d’acier rouillé et patiné par les pluies et les coups de soleil. Un parc automobile titanesque qui attend d’être déversé sur les 120 kilomètres de la route de ceinture.
On dit même que l’on importe à Tahiti 3000 véhicules par an, soit une colonne de 12 kilomètres supplémentaires qui viennent se joindre aux files ininterrompues du matin et du soir, transhumances* bi-quotidiennes vers la Capitale.
Une fois passé ce presque no man’s land, on découvre des bateaux sans âge ficelés au quai, tous distants de quelques centaines de mètres les uns des autres, car on ne mélange pas les bateaux chinois, Coréens, Japonais, ils s’étriperaient les uns les autres à ce qu'il parait!! Ils sont en zone sous douane, bourrés de marins qui n’en descendront pas et surtout ne s’en échapperont pas, et pour cause ils n’ont pas de passeport, Des vaisseaux fantômes, tout corrodés par d’innommbrables traversées, pelés, défigurés, suintant la rouille et la misère. Les marins, terrassés par l’humidité sont vautrés sur le pont, affalés dans les cordages, les radeaux de survie, certains sont de corvée de peinture et rapiècent la coque, créant à leur insu d’incroyables tableaux surréalistes… de tout jeunes matelots fument à perdre haleine, l’œil torve et absent, visiblement ils n’ont pas compris qu’ils étaient arrivés dasn la Nouvelle Cythère, qu'ils avaient touché l’aile des anges sans le savoir. Les douaniers font des rondes régulières en jeep pour veiller sur les trésors qui dorment dans ces milliers de containers anonymes qui ont parcouru toutes les mers du globe. Certains porte-containers en ont même parfois perdu des dizaines, par forte houle, heureux de n’y avoir pas laissé leur vie. On y trouve de tout, tout ce qui se vend en Polynésie, des marbres rares, des voitures de luxe sous cellophane, des meubles instimables pour les collections privées, des œuvres d’art sous caissons climatisés et hautement sécurisés, des fortunes dorment au bord des quais, dans leurs cages rouillées et scellées par de symboliques cadenas…
Et ces pauvres mousses au regard noir et vague, qui vous scannérisent plus qu’ils ne vous regardent, comme si l’on venait d’une autre planète, j’en ai presque honte de leur extorquer une photo, lorsque, suspendus à l’énorme chaine d’ancre où ils jouent en silence à se balancer, ils stoppent tout à coup leurs jeux pour figer sur la pellicule, un affreux sourire qui sera fixé à jamais sur la pellicule et au fon dde ma rétine. C’est là que l’on se dit qu’on a vraiment eu du bol d’être « bien né » du bon côté des barbelés qui entourent la zone sous douane ! Et l’on repart, la gorge serrée et l’on n’ose se regarder de peur de déceler la honte réciproque qui commence à nous envahir… c'est çà aussi qu'on voit au paradis.

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Caramba!!!! Quintana Roo, Mexico